Un livre gros comme ça, une héroïne magnifique, un garçon qui n’aimait pas lire et une super maman
Voici une petite histoire qu’on m’a racontée et que j’aime beaucoup :
Johanna est une maman qui aime la lecture, infiniment.
Son fils, Noé, 11 ans, a des difficultés pour lire, mais lorsqu’il lit avec des ouvrages adaptés en grands caractères – récemment découverts par sa maman – ça va beaucoup mieux, sa lecture devient plus fluide et cesse d’être une épreuve.
Johanna est ravie, mais sans crier victoire pour autant, car les heures de souffrance passées sur des pages aux typographies indigestes pour lui ont laissé une empreinte durable dans l’esprit de Noé : il a encore bien du chemin à faire avant d’associer la lecture au plaisir. D’autant qu’il ne peut échapper à celles qui sont imposées au collège – rarement adaptées en grands caractères – ce qui ne favorise guère une éventuelle réconciliation.
Et aussi, même lorsqu’ils sont en grands caractères, Noé rechigne à s’attaquer à ces livres souvent volumineux. Car, forcément, ces livres en grands caractères contiennent toujours plus de pages que les autres… Quel casse-tête !
Un jour, chez son libraire, Johanna tombe sur un roman jeunesse dont elle a entendu parler : Le Renard et la couronne de Yann Fastier, qui a reçu une quantité folle de prix littéraires. Elle achète le livre en format poche, il est costaud, un pavé de 550 pages qu’elle dévore en un rien de temps tellement les aventures et mésaventures de la jeune héroïne, Ana, sont captivantes.
Lorsque le roman commence, à la fin du XIXe siècle en Dalmatie, Ana a dix ans et se retrouve, à la mort de sa grand-mère, seule et démunie, à parcourir les routes et tenter de survivre. De rencontres heureuses en déconvenues, de péripéties éprouvantes en rebondissements joyeux, elle aura un destin exceptionnel. Ana est une héroïne magnifique, Le Renard et la couronne un roman palpitant.
Johanna comprend pourquoi il a reçu tant de prix, et regrette que Noé ne soit pas prêt pour goûter au plaisir de cette lecture et de bien d’autres.
Mais l’idée ne la lâche pas, elle s’obstine : ce serait formidable, mais assez fou, qu’un livre pour la jeunesse aussi volumineux soit adapté en grands caractères ! Sans grand espoir, elle se renseigne et découvre que, si ! ce roman existe bien en grands caractères ! joie ! mais, bien sûr, il est très gros, 912 pages, aïe aïe aïe !!!!! Si gros que, du coup, il se présente en deux volumes, car lorsque les livres deviennent trop volumineux avec l’adaptation en grands caractères, ils sont édités en deux volumes… tiens !… ça lui donne une idée… et si c’était une aubaine, au contraire… ? pas sûr que ça marche, mais ça se tente…
Johanna a de la suite dans les idées, on l’aura compris !
Elle achète Le Renard et la couronne dans son format en grands caractères.
Elle tend le premier volume à Noé, l’air de rien, après avoir escamoté le second volume : « Tiens Noé, tu devrais lire ce roman, il est génial ! »
Jour après jour, Johanna guette du coin de l’œil : le livre n’a pas changé de place, rien ne se passe. Détail non négligeable : « Un roman conseillé par sa mère », ça ne fait pas rêver Noé. Même si, il en convient, il lui est arrivé plus d’une fois d’être d’accord avec elle, mais quand même…
Il s’en passe du temps avant que le livre se mette à bouger, avant que Johanna retrouve un jour Noé, allongé sur le canapé, la tête sur le coussin qui fait office d’accoudoir, et les pieds en l’air posés sur le dossier – sa position préférée pour lire. Il était plongé dans Le Renard et la couronne ! Un discret air de satisfaction éclaire le visage de Johanna.
Et puis vient le moment, enfin, où Noé dit à sa mère : « Il est nul ton bouquin, il se passe plein de trucs, les personnages sont oufs, j’étais grave dedans, mais la fin, c’est n’importe quoi ! On dirait qu’il n’y en a pas, de fin ! Il s’est pas foulé le mec qui l’a écrit ! »
Johanna fait un grand sourire, s’approche de la bibliothèque, tend sans hésiter sa main vers l’étagère du bas, sort le deuxième volume de l’ouvrage et le donne à Noé qui met quelques secondes à comprendre. C’est bon, il a compris ! il attrape le livre et va sans attendre retrouver sa position favorite, allongé sur le canapé, les pieds en l’air sur le dossier, la tête bien calée sur l’accoudoir moelleux.
Opération réussie ! Voilà une maman heureuse et un garçon content et même fier d’être capable d’avaler 912 pages sans souffrances !